dimanche 21 décembre 2008

Green Economy


Alors que tous les oracles nous prédisent une entrée officielle, douloureuse et définitive dans une ère des ressources énergétiques chères et prêchent pour une adaptation rapide (c’est-à-dire dans les 30 ans) du capitalisme mondial qui doit désormais intégrer le caractère non inépuisable des ressources de production, voilà qu’une étude américaine émanant d’un réseau de distribution important estime que le prix du gallon pourrait à court terme tutoyer le dollar.

Si ces prévisions s’avéraient exactes, le record historique atteint à la baisse en 1999 serait battu. Par comparaison, suite aux attentats du 11 septembre, le prix du gallon était descendu à 1,08$.

A court terme, les Etats (notamment les USA), le système tout entier et les consommateurs en bout de chaine ne peuvent que s’en féliciter. Evidemment, une essence moins chère signifie une pour les uns une facture énergétique moins élevée, pour les autres une relance économique peut être plus rapide qu’escompté et pour les derniers un coût à la pompe moins élevé et donc une part de revenu restant disponible plus importante (puisque ce type de dépense n’est que très partiellement compressible).

Les tenants de l’importance du moral en économie y verront également un signe très positif. Ils l’incorporeront dans leur modèle de prophétie auto réalisatrice, mélange de pseudo pragmatisme et de méthode Coué qui fait dire que pour que cela aille mieux, la première des choses à faire serait d’y croire (nous en avons, avec Alain Minc, un très bel archétype en France).

A bien y regarder, il ne s’agit cependant pas d’une bonne nouvelle, pour deux raisons :

D’abord, la courbe du prix du gallon épouse celle de la montée du chômage aux USA. L’essence a donc baissé d’abord et avant tout parce que les chômeurs américains n’utilisent tout simplement plus leur voiture pour aller travailler. Et l’Amérique a détruit 1,9 millions d’empois depuis le début de la crise.L’avantage du revenu disponible accru grâce à la baisse du prix à la pompe disparait.

Ensuite, le délicat virage planétaire vers un capitalisme plus propre qu’appellent de leurs vœux les principaux dirigeants de la planète – ce fut l’un des thèmes du récent G20 – risque d’être sérieusement remis en question. A 30$ le baril, les compagnies pétrolières retarderont voire remettront purement et simplement en question les investissements annoncés pour la diversification des sources de production. Les Etats eux-mêmes risquent d’être mis à mal dans leur stratégie d’éducation des masses en faveur d’ une économie moins polluante. Les équilibres politiques eux-mêmes pourraient voler en éclats s’ils ne sont plus corrélés avec un mieux être économique et un bénéfice électoral à court terme.
Ainsi, le Président nouvellement élu Obama a-t-il annoncé un gigantesque plan de 150 milliards de dollars pour financer les énergies renouvelables au cours des dix prochaines années. Ce programme doit rendre l’Amérique indépendante d’un point de vue énergétique, créer 5 millions d’emplois (les green jobs) et la mettre à la pointe de la technologie dans un secteur économique crucial pour l’avenir. 10% de l’électricité consommée aux Etats-Unis devrait ainsi être issue de sources renouvelables d’ici à 2012 et 25% en 2025, permettant d’éliminer, d’ici à dix ans, l’équivalent des importations de pétrole du Moyen-Orient et du Vénézuela réunis.

Il souhaite également l’instauration immédiate d’un marché de permis à polluer, comparable au marché carbone européen.

L’absence de rentabilité à court terme compte tenu du prix trop bas du pétrole signifie à court terme un gel des investissements maintenant et donc une absence d’énergies plus propres disponibles dans les 15 ans qui viennent.

Ce n’est donc pas une bonne nouvelle. Il s’agit bien plutôt de l’un des symptômes d’une crise bien plus profonde qu’initialement envisagé. Les imprécations de tout bords n’y changeront rien, sans impact tangible pour le porte monnaie du consommateur, avec une industrie automobile à l’agonie, les Etats-Unis déjà lourdement endettés par les plans de relance successifs annoncés (et donc dépourvus de l’arme fiscale, bien précieuse dans ces cas là) n’ont tout simplement pas les moyens d’encourager l’économie verte. Une occasion historique risque donc d’être une fois de plus gâchée. Le monde s’en remettra, une fois de plus, et se rapprochera encore un peu plus du chaos écologique que prédisent tous les analystes sérieux. Voilà, désormais, la seule prophétie auto réalisatrice qu’il faut sérieusement craindre.

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