dimanche 25 décembre 2005

MARCUS MILLER – SILVER RAIN


Pour l'histoire : Marcus Miller (M² comme il aime à le dire) est né à Brooklyn en 1959. Il passe une partie de son enfance en Jamaïque, puis retourne vivre dans le Queens, où sa famille s'est établie quand il avait 10 ans.

Le jeune Marcus vit à l'ombre de son père À 10 ans, il apprend la clarinette. À 13 ans, il maîtrise l'orgue et le saxophone, mais c'est pour la guitare basse qu'il optera finalement. À 14 ans, parfait autodidacte, Miller joue aussi bien du piano, de la clarinette, que de la guitare basse. Voilà voilà…

Comme si cela ne suffisait pas pour remercier tous les jours le ciel pour le talent inné qui est le sien, il faut en plus que son cousin, un certain Wynton Kelly, incorpore le band de l'immense Miles D. obscur trompettiste à la carrière prometteuse…Il collabore notamment à des albums aujourd'hui référence que sont « Kind of Blue » ou « Things Are Getting Better » du non moins excellent Cannonball Adderley.

En attendant de connaître son fabuleux destin, Marcus Miller passe son temps à écumer les studios et multiplier les collaborations, que ce soit avec David Sanborn, Roberta Flack, Bob James ou Aretha Franklin.


Côtoyer les plus grands ne lui suffit pas. C'est tutoyer les étoiles qui le fait rêver. Ce qui devait arriver arriva un jour de 1981, quand son cousin souffle son nom à l'immense Miles, qui l'embarquera dans son nouveau groupe comme bassiste pendant 18 mois. Le jeune homme a la renommée grandissante n'a alors que 22 ans mais est prêt à monter sur le trône des gloires vivantes de la musique. Miles l'intronisera lui même en 1986 en lui confiant la composition intégrale de son album testament, Tutu, en 1986.

Pour finir en beauté avec les chiffres et les stats, ajoutons qu'à ce jour Marcus Miller a collaboré avec 195 artistes sur 365 albums. Ses références ressemblent à s'y méprendre au Who's Who de l'industrie musicale US.

Il apparait pour le moins difficile après une telle énumération de présenter « Silver Rain » autrement que comme l'album de plus d'un géant de la musique. Et pourtant. Miller démontre une fois de plus s'il en était besoin qu'il possède la qualité essentielle des très grands, celle qui consiste à savoir surprendre un auditoire pourtant déjà habitué à votre excellence.

D'abord le titre : « Silver Rain » tire son nom d'un fameux poème de Langston Hughes, théoricien du début du XXè siècle et animateur du mouvement culturel Harlem Renaissance. Excellent pour la culture générale, mais là n'est pas la prétention de M2.

Rentrons dans le vif su sujet : des collaborations prestigieuses mais surtout bien choisies : Gerald Albright, Kirk Whalum, Kenny Garrett, Lucky Peterson, Dean Brown…Des voix de Joey Kibble (Take 6), Macy Gray, Lalah Hathaway…Le tout s'étalant sur 10 reprises et 5 morceaux originaux.

A l'écoute, le ramage se rapporte au plumage. Furieusement groovy, c'est le moins que l'on pouvait attendre d'un bass hero de sa trempe. Mais quand on s'appelle M2, le groove tient du service minimum. Pour faire un grand album, il faut y ajouter de l'éclectisme. Le compte y est avec Lalah Hathaway sur « La Villette » ou Eric Clapton en version reggae sur « Silver Rain », titre phare de l'album (malheureusement remplacé pour d'obscures raisons marketing par Joey Kibble pour la version européenne de l'album). Des sax de premier plan tel Kenny Garrett, Kirk Wallum ou Gerald Alright – sur "Bruce Lee" - viennent compléter le tableau.

Mais l'éclectisme ne saurait suffire. Il faut lui adjoindre l'audace. Elle est nécessaire pour oser toucher à des monuments de la musique moderne – "Sophisticated Lady" du grand Duke – mais aussi pour avoir l'idée d'instiller un peu de groove dans la "Moonlight Sonata" de Beethoven. Le tout avec toujours le même détachement, la même déconcertante (énervante?) facilité.

Pour finir, on se saurait passer à côté de deux reprises lumineuses qui contribuent à réhausser la valeur des originaux – "Girls and Boys" de Prince avec la voix métallique de Macy Gray et "Boogie On Reggae Woman" de Stevie Wonder.

Il est compliqué de parler d'une légende vivante sans tomber dans la redite ni l'angélisme excessifs. Silver Rain est un grand album de la part d'un monstre sacré du genre. Rien a ajouter de plus.

Vieneg

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