dimanche 25 janvier 2009

Jean-Claude Narcy


Lors de la retransmission de la cérémonie d'investiture de Barack Obama, mardi, le journaliste de TF1 a commenté la prestation d'Aretha Franklin par cette phrase : «
On devait chanter comme ça dans les champs de coton ».

Cette remarque soulève immédiatement une question évidente : Jean-Claude Narcy a-t-il tenu à cette occasion des propos racistes ? Honnêtement, je ne le crois pas. Narcy n'a tout simplement pas compris. Pas compris que le monde vient de changer sous nos yeux. Ce journaliste inculte incarne à lui seul le paradigme d'un monde finissant. D'un monde moribond. Mais aussi celui, bien plus pathétique, d'un monde encore accroché à ses certitudes longuement forgées par deux siècles d'histoire.

Il faut le comprendre, Jean-Claude Narcy. Confronté à un choc mental aussi violent, il chauffe de la cafetière. Il a les plombs qui sautent, une mesure sans doute salutaire, d'ailleurs, le concernant. C'est quand même mieux que de se jeter sous les roues d'un bus. A cet instant, Jean-Claude Narcy, il est en quête d'explication. Il a besoin d'un décodeur. Il est journaliste sur TF1, Jean-Claude. Depuis longtemps, en plus. Il s'en suit un raccourcissement certain de son « temps de cerveau disponible », ainsi que le souhaitait son ancien P-DG Le Lay. Alors, Jean-Claude Narcy, dans un effort déraisonné pour se raccrocher à une quelconque référence historico-culturelle, il a un flash. Il voit les Etats-Unis des champs de coton. Il voit les ouvriers agricoles, voire les esclaves tant qu'on y est, surveillés par des contremaitres blancs. Pour lui, Jean-Claude, un Noir restera à jamais un aliéné, alors Président des Etats-Unis, pensez-vous…

Il faut comprendre la souffrance de Jean-Claude. Déjà il y a quelques mois, il a vu arriver Harry Roselmack. D'habitude, Jean-Claude, les seuls noirs qu'ils voient passer dans les couloirs de TF1 vident les poubelles le soir après les horaires de bureaux. Au pire, quand il les voit en pleine journée, c'est qu'ils viennent porter des plis à la rédaction ou encore changer les bonbonnes d'eau. Il a du s'habituer à ce Noir venu de nulle part crever les écrans jusque là tranquillement monocolores de sa chaine préférée. II écume de rage, Jean-Claude, à l'idée qu'il pourrait y en avoir d'autres. Ce n'est pas qu'il ne les aime pas, c'est juste qu'il estime que les gens comme eux n'ont peut-être pas tout à fait leur place sur une grande chaine généraliste. Et ça l'énerve, Jean-Claude, quand il entend sa femme insister si lourdement pour regarder le JT du weekend end. Il la voit bien, Jean-Claude, quand bobonne se pâme devant la télé, serrant discrètement les cuisses, la main droite nerveusement accroché à la télécommande de peur que son mari ne zappe, la gauche caressant doucement son chat persan. Il y a bien longtemps qu'il n'a plus provoqué chez elle de tels émois. Jean-Claude Narcy n'est pas raciste, il manifeste bien plus simplement un instinct primaire de préservation face à ce monde qui change trop vite pour lui.

En vouloir à Jean-Claude, ce serait en vouloir à tous ces lointains cousins de province ou d'ailleurs qu'on ne voit qu'une fois par an et qui déclarent tout de go lors du barbec du dimanche, en se grattant l'entrecuisse et en reluquant graveleusement le décolleté de tata Suzie, que de toute façon ceux qui ne sont pas comme lui, il ne les aime pas trop... A part un regard consterné et un clin d'œil discret à ta montre histoire de mesurer le temps qui reste à passer en compagnie de ce décérébré bidonnant aux cheveux gras, force est de reconnaître que tu ne peux pas faire grand-chose.

Jean-Claude Narcy entend de son bureau de la tour TF1 les bruits sourds d'un monde qui s'en va.

Un monde ou le Royaume Uni pourrait bien devoir demander officiellement l'aide du FMI.

Un monde où les rênes de la richesse mondiale sont désormais tenues par les dirigeants d'un pays bien lointain, la Chine, dont accessoirement le nombre d'internautes vient de dépasser celui des Etats-Unis. Jusque là, pour Jean-Claude, la Chine était le pays d'où provenaient les t-shirt bon marché dont il se sert pour aller jogger le dimanche.

Un monde dans lequel la France recroquevillée sur ses certitudes et son orgueil dépassé, en est réduit à se draper dans son rôle déchu de lumière du monde. Un monde dans lequel noir, étranger, immigré sont synonymes et ne sauraient désigner un français « de souche ». Alors prix Nobel ou P-DG d'une grande entreprise, ce n'est pas pour demain, en tout cas certainement pas au pays de Voltaire ou de Montesquieu.Et Jean-Claude Narcy, quand il commente l'entrée en fonctions de Barack Obama, n'est plus tout à fait journaliste. Il se veut calinologue. Comme son copain Pernaut à 13h tous les jours sur TF1 avec ses reportages sur les derniers fabricants de pipes du Jura alors que les bombes pleuvent sur Gaza et que l'économie mondiale est au bord du chaos.

Jean-Claude n'est pas raciste. Il est juste inculte, bovin, paumé. Va en paix, Jean-Claude, tu ne mérites pas l'énergie de l'indignation.

Vieneg.

2 commentaires:

kik' a dit…

que dire! bravo! je ne dirais pas mieux!!!

Anonyme a dit…

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