jeudi 1 septembre 2005

NUALA O'FAOLAIN, J'Y SUIS PRESQUE


Récit traduit de l'anglais (Irlande) par Stéphane Camille

Vous avez aimé « Chimères », vous adorerez « J'y suis presque ». Tel est le texte qu'auraient pu faire apparaître les éditeurs sur un éventuel bandeau publicitaire qui accompagnerait la sortie de ce livre.

Car c'est bien de succès qu'il s'agit et planétaire, celui là. Le genre de succès qui change à jamais la vie de celui sur qui il a eu la bonne idée de se poser. Dans le cas de Nuala O'Faolain, la reconnaissance du public a tout changé : de la vie de chroniqueuse tentant de placer ses piges à un journal irlandais, la voilà aux Etats-Unis, vivant de son art, laissant loin d'elle la misère palpable qu'est de loin en loin celle de sa famille, de sa ville, de son peuple, de son histoire.

L'introspection commence au moment où la chroniqueuse irlandaise est devenue un écrivain célèbre, suite au succès mondial de son premier roman, « Chimères ». Loin d'avoir domestiqué ses vieux démons, on la découvre tourmentée, ballottée au gré des flots de ses rencontres (qu'elle a difficiles), mais remplie de l'espoir de trouver un sens à sa vie.

Au fil des pages, le lecteur est invité à une descente de 200 pages au fond de la mine de ses sentiments, de ses doutes existentiels, des relations toujours complexes avec ses parents. Les difficultés de l'amour à cinquante ans, la relation à son propre corps d'une femme vieillissante imprègnent également tout aussi profondément les thèmes de réflexion de Nuala O'Faolain.

Une écriture souvent drôle (bien malgré elle quelquefois), une plume cinglante, quelquefois presque brutale tellement on la sent désabusée. Quelques exemples :

- au sujet de l'Irlande, terre natale avec laquelle elle a tant de choses à régler : « ça tombe bien, en Irlande, fin XXè siècle, on commence à autoriser la connaissance de soi » ; « En Irlande, les gens ont tellement souffert qu'ils ont renoncé à se demander pourquoi » ; « je crois qu'on peut naître avec le mal du pays, la plus merveilleuse des demeures dans un monde d'amour absolu ne ferait pas l'affaire – (je) chercherai(s) encore à savoir à quel lieu (j') appartiens vraiment».

- si elle parle de l'âge : « La cinquantaine, c'est l'adolescence qui revient de l'autre côté de la vie adulte — le serre-livres correspondant — avec ses troubles de l'identité, ses mauvaises surprises physiques et la force qu'il faut pour s'en accommoder ».

- à propos de sa mère et de l'héritage qu'elle porte en elle : « elle transporte avec elle les maladies irlandaises que sont l'alcool pour les hommes, la rancune pour les femmes ».

Son ultime bataille avec elle même se situe sur le front de la relation amoureuse, puisque bien entendu nous retrouvons Nuala aux Etats-Unis, auréolée de sa gloire littéraire mais seule et sans enfant. On la suit ainsi dans les dédales de sa relation avec un certain John, un cinquantenaire rencontré sur internet, relation qui se réduit le plus souvent à quelques rendez-vous dans un motel pour deux heures de plaisir. Cette relation prend une connotation attraction-répulsion, tant les réflexes d'auto défense sont forts chez notre héroïne. Une petite fille de 8 ans, la fille de John, incarnera peut-être la rédemption, car à travers elle Nuala entretient l'espoir de devenir elle même « un jour une enfant de 8 ans normale, c'est à dire non emplie de haine ».

Un récit puissant sur les difficultés à mener sa propre vie malgré les profondes brûlures qui peuvent affecter l'estime de soi. Une autobiographie poignante qui prouve que la littérature n'est jamais aussi belle que quand elle aide à cautériser les blessures de l'existence et à guérir du mal de vivre.


JeanLuc GUSTAVE

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