dimanche 25 décembre 2005

LUCK MERVIL – TI PEYI A


A l'intention de tous ceux qui s'en étonneraient, je n'aurais qu'un mot : JE SAIS.

Oui, c'est vrai, ceux qui connaissent Luck Mervil savent tout au plus de lui qu'il s'est illustré dans une comédie musicale, Notre Dame de Paris.

Je l'ai appris en me renseignant sur le personnage après avoir eu l'album entre les mains et cela tombe plutôt bien car si je l'avais su avant, je n'aurais sans doute pas accepte d'y toucher...

"TI PEYI A" constitue le regard lucide et touchant d'un canadien d'origine haïtienne sur son pays d'origine. C'est le regard dans le rétroviseur de son histoire de quelqu'un qui aurait facilement pu céder aux sirènes de l'oubli, du déni de sa propre histoire et faire un album de variété française ou de R'n'B sans qu'il n'y ait rien à lui reprocher, mais qui a préféré – pour cette fois tout du moins – transmettre un message d'espoir et de reconnaissance d'une ïle dont on ne parle que parce qu'elle a la malchance d'avoir aligné l'une des plus belles brochettes de dictateurs de la planète, d'être en course pour le prix du pays le plus affligé du monde et même de toujours se trouver sur la trajectoire des cyclones les plus dévastateurs de cette région du globe.

Certes. Mais ceux qui connaissent Haïti savent aussi que la boue des bidonvilles crasseux recèlent des trésors autrement plus précieux, d'entre ceux que l'on ne peut traduire en produit intérieur brut : la dignité d'un peuple (il faut lire Wole Soyinka pour comprendre ce qu'est la dignité et en quoi elle est essentielle à la survie d'un peuple) et son combat indéfectible pour la préservation de ses richesses originelles, en dépit des chaos de l'histoire.

Luck Mervil ne chante pas autre chose.

"Ti Mari", c'est le déni d'humanité infligé aux Restavek, ces milliers enfants réduits à l'état d'objets domestiques (en Haiti, un enfant sur 20 est un Restavak).

"Banm Chenn" aborde quant à lui la question essentielle de la liberté et de la lutte contre l'oppression de ce pays souffre douleur, sur fond d'appel à la légendaire fierté haitienne, qui lui valut d'infliger à Napoléon l'un de ses défaites les plus cuisantes.

"Mézanmi" en duo avec Corneille, se veut un appel le constat d'une décolonisation inachevée ("ce n'était pas seulement les chaines que nous avions aux pieds qu'il fallait briser / la révolution n'est pas finie / il y a aussi les chaines à l'âme / les chaines à notre volonté").

L'album s'achève sur "Le gout des jeunes filles", titre éponyme d'un roman de Dany Laferriere, autre écrivain majeur de cet Haiti décidemment très fécond en talents. Ce roman dont l'histoire se déroule dans les années 70 pendant les années macoute, a été adapté au cinéma et devrait sortir cette année sur les écrans parisiens.

Un album-témoignage de la lutte de tout un peuple pour conserver sa place sur la carte de l'humanité. Il fallait en parler.

Vieneg

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